Connaissez-vous Till L’Espiègle ?
Qui est Till ? (vous l’avez 😉 ?)
Ce personnage germanique dont le nom connaît un grand nombre de variations orthographiques fut tellement populaire qu’il donna même un nouvel adjectif à la langue française : espiègle.
On le trouve parfois représenté avec une chouette (« Eulen ») et un miroir (« Spiegel »), objets qui l’accompagnent dans ses aventures mais qui sont surtout présents dans son nom à la façon d’un mot valise.
Il semblerait cependant que ce ne soit qu’une réinterprétation du nom, à l’origine en bas-allemand, qui pouvait se décomposer en « ulen » (~essuyer) et « spegel » (~miroir/le derrière), formant une expression très imagée et pas très correcte à adresser à quelqu’un si vous voyez ce que je veux dire 😉
Vu son héritage dans notre langue, vous vous doutez que ce n’est pas le plus sérieux des hommes notre Till. Ce n’est pas non plus par sa finesse qu’il brille.
Au contraire, une grande partie des ressorts humoristiques tournant autour de sa prise au 1er degré d’ordres donnés ou d’humour que l’on qualifierait aujourd’hui de pipi-caca si cela venait d’un enfant… Jugez donc vous-même avec cet extrait :
Tyl l’Espiègle n’avait pas huit ans, que déjà la renommée de sa malice remplissait le voisinage. Des plaintes nombreuses arrivaient à son père ; on l’accusait de tant de tours, que le bonhomme commençait à s’en troubler. L’enfant s’excusait, disant qu’il ne faisait mal à personne.
— Mais, ajouta-t-il, cher père, si vous voulez acquérir la preuve que tout ce qu’on vous dit de moi n’est que mauvaise intention, montez sur
votre cheval, prenez-moi derrière vous, traversons le bourg, et vous verrez que nous ne passerons nulle part sans que les gens n’aient à gloser sur mon compte.— C’est bon, répliqua Nicolas Tyl ; je ferai cela.
Le lendemain, il sortit sur son cheval, ayant placé son fils en croupe. Pendant qu’ils traversaient le bourg, l’Espiègle tendait le derrière aux
passants. Les bonnes gens disaient tout haut :— Voyez ce petit malicieux !
— Vous l’entendez, cher père, ripostait aussitôt l’enfant; je ne fais mal, et ils m’appellent malicieux !
— C’est singulier, dit Nicolas.
Il prit son fils, le mit devant lui, sur le cheval, et continua à marcher, surveillant ses mouvements.
L’Espiègle, sans que son père s’en aperçût, se mit à faire à chaque passant une grimace, tirant la langue aussi grande qu’il pouvait ; et derechef les gens disaient :
— Voyez le petit vaurien !
— Il faut, dit à part soi Nicolas Tyl, que mon fils soit né sous une influence malheureuse, ou que les gens de céans soient envieux de son grand esprit, puisque, bien qu’il se tienne en repos, on le déteste.
Les fabliaux du Moyen Age, p. 103-104, colligés par Jacques Loyseau, éd. Périsse frères (Paris), 1846
Till est proche de la figure du fol médiéval historique, celui du quotidien qui officie sur la grand-place ou le « simplet » dont on se moquait. Oubliez donc le bouffon et sa marotte qui à coups de bons mots faisait entendre raison aux tyrans. Du moins pas dans les premières versions de ses aventures…
Je précise cela puisque des versions il y en a eu tout un tas, transformant peu à peu l’histoire.
Du baladin, du simple polisson, du fameux loustic de la vieille légende de l’Espiègle, Charles De Coster a fait une grande figure héroïque, humaine et surhumaine, au centre d’un livre des Martyrs, et de la joie qui dépasse le martyre et de la révolte qu’ils fécondent.
Léon Bazalgette, dans la chronique « Littératures étrangères – le chef d’oeuvre inconnu », L’Humanité, 17/08/1927
Encore aujourd’hui, c’est une histoire que certains se plaisent à revisiter (principalement la version de De Coster), en littérature, sur scène
ou même au cinéma avec Les aventures de Till L’Espiègle en 1956 avec Gérard Philippe : bande-annonce à voir absolument pour la scène de l’œuf !
Si cela vous intrigue et que vous souhaiter en savoir plus sur le Till, je vous conseille cet article publié par La France pittoresque, un site où je suis sûr que vous découvrirez plein d’autres choses qui valent le détour !
Pour lire une version proche des origines de ses aventures, voici une traduction française sur la base d’un texte allemand de 1519 : Les Aventures de Til Ulespiègle.
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