Cosmographie du monde : ça en jette, non ?
Le titre original est même La cosmographie universelle de tout le monde.
Une cosmographie est une description du monde, de la géographie à l’astronomie en passant par l’histoire à l’époque médiévale, un champ d’étude très large donc, puis peu à peu le terme désignera uniquement le ciel et tout ce qui s’y trouve.
Au détour d’une recherche sur les mines au XVIème siècle pour un article sur les Vosges, une comparaison avec l’œuvre d’un certain Sebastian Münster a été soulevée. Obligé, je tente le rebond pour voir où ça me mène et là… coup de cœur pour la cosmographie découverte !
En route pour le mooooonde !
Voici le sous-titre/introduction au bouquin, je vous la mets en VO parce que c’est relativement compréhensible. Les passages en gras sont de mon fait pour tenter de vous faciliter la lecture et surtout souligner les points clés de mon point de vue :
La Cosmographie universelle de tout le monde en laquelle, suivant les auteurs plus dignes de foy, sont au vray descriptes toutes les parties habitables & non habitables de la terre et de la mer, leurs assiettes & choses qu’elles produisent: puis la description & peincture topographique des régions, la différence de l’air de chacun pays d’où advient la diversité tant de la complexion des hommes que des figures des bestes brutes. Et encor l‘origine, noms ou appellations tant modernes qu’anciennes & description de plusieurs villes, citez & isles avec leurs plantz & pourtraictz & sur tout de la France, non encor iusques à present veus ny imprimez. S’y voyent aussi d’avantage, les origines, accroissemens & changemens des monarchies, empires, royaumes, estatz & republiques: ensemble les moeurs, façons de vivre, loix, coustumes, & religion de tous les peuples & natios du monde: & la succession des papes, cardinaux, archevesques & evesques, chacun en leur diocese, tant anciens que modernes: Avec plusieurs autres choses, le sommaire desquelles se void en la page suivante auteur en partie Munster, mais beaucoup plus augmentée, ornée & enrichie par François de Belle-Forest, Comingeois, tant de ses recerches, comme de l’aide de plusieurs memoires envoyez de diverses villes de France, par hommes amateurs de l’histoire & de leur patrie Avec trois tables, l’une des plantz & pourtraicts des isles et des villes. La seconde, des tiltres & chapitres. Et la troisiesme, de tous les noms propres & des matières coprises en tout l’oeuvre.
Petits morceaux de Münster
Vous l’aurez compris avec ces quelques lignes, le Münster qui m’a amené à cet ouvrage s’avère en fait être l’auteur d’une précédente cosmographie reprise et enrichie par François de Belle-Forest. Je ne saurais vraiment dire qui a fait quoi ici et pour une fois, je dirais bien que ce n’est pas le plus important alors on ne va pas en faire un fromage 😉
/J’avais une obligation morale de la caser, mes excuses.
Pour bien comprendre cependant dans quel contexte intellectuel nage tout le recueil, je préfère vous mettre la première « vraie » page :
Les « historiens » sont convoqués pour valider le récit qui va plutôt ressembler à un cours de SVT chez les créationnistes qu’à celui que vous avez connu (du moins je l’espère). Et c’est normal !
Durant le XVIème siècle où fut rédigé l’ouvrage, n’oublions pas que la séparation entre sciences et religion en Occident est encore balbutiante. Rappelez-vous notamment que ce n’est qu’en 1543 que Copernic avec son histoire d’héliocentrisme a commencé à faire du bruit dans les milieux intellectuels et lancé les prémices de sa révolution. Je dis prémices parce que le quidam restera encore pour longtemps bien loin de toutes ces folles théories… 😉
L’exhaustivité sous toutes ses formes
Quand on se nomme La cosmographie universelle de tout le monde, si l’on veut avoir une chance de traiter son sujet (si modeste) tout en étant à la fois efficace et clair dans sa présentation, plusieurs formes s’imposent à votre exposé. Voyons-en ensembles quelques-unes qui furent retenues.
La liste
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’une grande partie des noms ci-dessus ne sont pas restés célèbres. Ajoutons à cela les difficultés liées à notre lecture (vieux français + latin) et les erreurs (historiques ou relatives aux traductions) et là ça devient plutôt coton à utiliser comme liste pour réviser son brevet.
Exemple avec le second pape. S’il est assez connu que l’apôtre Pierre est considéré par l’Église catholique comme le premier pape, qui connaît le nom du second ? Ici, la liste nous cite un certain « Clete Pape » alors qu’au regard des listes actuelles on trouve plutôt un certain Lin (ou Linus) en n°2 puis Anaclete (autrement nommé Cletus ;)) en n°3.
Un photo panoramique avant l’heure
Si tout n’est pas fiable, il y a des choses encore tout à fait utilisables, comme la vue ci-dessous qui parlera à toute personne qui a déjà mis les pieds à Gênes :
Le schéma
Pour parler du périmètre de la Terre, de calculs astronomiques ou de simple géométrie, quoi de plus utile qu’un bon schéma pour aider à la compréhension ?
L’anecdotique mis en image
Comme dans un guide moderne, de nombreuses anecdotes viennent égailler la lecture, mais une bonne part, pour dire les choses gentiment, sont remises en question de nos jours ;).
Origine du nom d’une ville
Récit de batailles (et de bons mots)
Incontournable éruption à prendre en photo
Les meilleurs coins de pêche
De l’originalité
Ce que j’aime le plus dans ce genre d’ouvrage, ce sont les petites touches de créativités auxquelles on ne s’attend pas et qui viennent rappeler que tout n’est pas une question de maîtrise technique.
J’en tiens pour preuve l’exemple ci-dessous :
Même en prenant en compte le goût pour les rondeurs de la Renaissance, non, vraiment ces femmes ont quelques problèmes : disproportion dans la longueur des membres, côtes manquantes ou seins ayant des soucis de perspectives..
En revanche, l’utilisation du panneau suspendu au cadre ( que j’aime ce genre de chose !) complète habilement la composition.
La mise en perspective inattendue…
Au passage, j’ai découvert en me penchant sur les sibylles (la plus célèbre de ces prophétesses antiques était la Pythie de Delphes) que celles-ci ont été incorporées à l’iconographie chrétienne comme figures prophétiques presque comme les figures bibliques classiques. En croiser une dans une cathédrale ne devrait pas être plus choquant que cela si l’on se place dans une conception du monde où tout est en fait explicable en ajoutant du Dieu ou du Jésus par-ci par-là…
En tout cas, ça aura eu le mérite de me faire revenir sur les quelques clichés (pas les plus réussis) que j’ai ramené de ma visite du Duomo de Sienne, en Italie, où l’on peut admirer des représentations de ces devineresses sur le pavement :
On y voit aussi quelques animaux d’ailleurs mais j’en ai déjà causé dans un bref billet sur les petites bêtes dans l’art.
La tendance à la récupération des mythologies et rites m’était connue (la date de Noël pour ne citer que cela) mais des figures aussi importantes dans l’imaginaire antique que les sibylles, c’était osé !
Une autre chose qui m’a étonné en feuilletant virtuellement ces volumes était le grand nombre de cartes ou de villes reproduites sur des feuillets libres ou même deux pages. L’aspect visuel était manifestement d’une grande importance pour les auteurs et ne pouvait se résumer à quelques miniatures.
On est bien sûr loin de la mise en page d’un atlas moderne ou même d’un magazine mais hormis les enluminures médiévales ou les armoriaux, j’ai peu d’exemples en tête (n’hésitez pas à en suggérer en commentaire) d’ouvrages avec une place aussi significative donnée à l’image à côté du texte.
Pour ceux que cela amuserait, n’hésitez pas à aller lire (dans la deuxième colonne), la description à la fois hautaine et horrifiée des représentations religieuses dans les temples indiens vues par un occidental.
Petit extrait cadeau :
J’espère que cette plongée dans une cosmographie vous aura intéressé.
Toutes les illustrations que vous avez découvertes ci-dessus sont tirées de Gallica/BNF et retrouvables sur ce lien pour le premier volume du premier tome ou celui-ci pour le second volume du premier tome et ici pour le second tome.
Si vous ne connaissiez pas le terme cosmographie, je vous invite à partager ce billet pour montrer votre culture.
Si vous connaissiez déjà ce mot (bravo déjà), je vous invite à partager ce billet pour le faire découvrir à vos contacts peut-être encore dans l’ignorance 🙂
Merci d'avance !
Afin que cette zone d'expression soit intéressante pour chacun voici quelques règles :
- Lire l'article (rédigé avec amour) et pas simplement le titre, mais personne ne fait ça 😉 n'est-ce pas ?
- Indiquer un nom ou un pseudo (pas de mots clés pour le référencement).
- Renseigner si vous le souhaitez, votre site principal ou un profil de réseau social.
- Rédiger un commentaire dont vous n'aurez pas honte dans 10 ans...
Pour signaler des coquilles, bugs, erreurs bêtes et autres choses du même acabit, merci de privilégier un message via le formulaire de contact en cliquant sur le petit bonhomme 🙂
One thought on “Cosmographie du monde – Trésors de Gallica”