Sous ce titre dont je suis particulièrement fier (oui parfois il faut se jeter des fleurs), je voudrais vous parler de l’arrivée de deux produits qui, avant d’être transformés ou aromatisés, sont très amers. Tout à fait communs aujourd’hui, ils firent fureur auprès des notables lors de leur introduction en Europe à la Renaissance, devinrent incontournables dans les cours royales et les cercles intellectuels raffinés : ce sont le chocolat et le café.
Petit rappel de sciences-nat’
Le chocolat ne tombe pas sous forme d’œuf surprise des arbres ni le café sous forme de capsules pour votre machine à dosette. 😉
Je me moque gentiment mais nous sommes souvent si éloignés du produit de base dans notre quotidien que c’est parfois une (re)découverte de voir comment il pousse et pour ma part, à chaque fois un plaisir que je ne m’explique pas vraiment que de croiser des arbres fruitiers.
Le chocolat que vous mangez aujourd’hui est un produit transformé issu de la fève de cacao.
Tandis que le café vient des graines de cet arbuste :
Boissons lointaines
Chocolat
C’est un de ces produits qui fut rapporté par les conquistadors, plus précisément par Hernán Cortés en 1528. Pour enlever un doute à certains, les papilles européennes n’appréciaient pas forcément la façon qu’avaient les peuples d’Amérique du Sud de le consommer. Trop amer, en Europe il était servi en boisson et agrémenté d’un jaune d’œuf par exemple si vous le preniez comme Louis XV (c’était sa petite recette perso), sinon du sucre, de la vanille ou du lait pouvait faire l’affaire.
Café
Le café arrive lui dans les années 1600 en Europe, près d’un siècle plus tard donc, mais était connu auparavant. Consommé en Orient, c’est par le monde musulman qu’il fut importé. Cette diffusion se fit également via l’Arabie heureuse (je ne peux m’empêcher de le signaler 😉 ), même si initialement cette drogue à laquelle tant de gens sont accrocs semble venir d’Ethiopie.
Exotisme et cours royales
Exotisme et rareté
Puisque cette article restera une divagation divagante de plus, je voudrais vous raconter une anecdote que j’ai apprise récemment au sujet de l’exotisme et de l’aspect parfois assez ridicule.
Il y a de fortes chances pour que vous ayez déjà croisé la gravure de Dürer ci-dessous.
Pour en savoir plus sur ce travail de Dürer : une fiche de synthèse.
On le retrouve dès 1602 d’ailleurs sur les portes (nord) en bronze de la façade du duomo de Pise (petit rapprochement réalisé par hasard lors de mes recherches pour l’article et qui m’a mis en joie) :
Ou encore en céramique en 1730.
Un petit dernier pour le plaisir sur un paravent Corée de 1860 reprenant une mappemonde de Ferdinand Verbiest originellement de 1674…
Oui, trois siècles plus tard il a gagné des couleurs, mais c’est bien le même animal représenté !
Ce tank sur pattes qui dont l’image a traversée les âges possède sa propre petite histoire…
Cette bête est dessinée à l’occasion de la présentation d’un animal bien réel, cadeau diplomatique d’un sultan indien au roi portugais Manuel Ier. Pièce de choix pour compléter sa ménagerie exotique, ce que de nombreux souverains faisaient par ailleurs .
Arrivée de la bête en 1515 à Lisbonne…
Dans les jours qui suivirent, le roi fit défiler la bête sans incident avec d’autres animaux exotiques au cours d’une ou plusieurs parades dans les rues de Lisbonne. Le 3 juin, jour de la fête de la Sainte Trinité, Manuel organisa un combat opposant le rhinocéros à l’un de ses jeunes éléphants, puisque tout ce que l’on savait des mœurs de cet animal, notamment par Pline l’Ancien, était que l’éléphant et le rhinocéros seraient les pires ennemis. Découvrant son adversaire et peut-être effrayé par la foule bruyante venue en nombre, l’éléphant courut se réfugier dans son enclos et le rhinocéros fut déclaré vainqueur par abandon.
– extrait de l’article wikipedia sur ledit rhino
Autant vous dire que niveau ridicule, ce combat a mis la barre bien haute et que parfois il n’est pas besoin de faire trop étalage de ses possessions exotiques, sous peine de risquer le ridicule.
Mais retour à nos chocolats et cafés.
Côté vertus…
Si certaines des vertus supposées de ces boisson (aphrodisiaque pour le chocolat par exemple) sont encore discutées, je me contenterai de dire que ceux et celles qui en consommaient n’étaient pas toujours des exemples de vertu au sens moral 😉 surtout en terme de fidélité conjugale. Les deux boissons avaient un côté stimulant mais si la première était plutôt appréciée des favorites pour les choses de l’amour, la seconde servit tôt pour garder l’intellect alerte.
Une place plus qu’anecdotique
Le café devient assez vite une boisson suffisamment populaire pour que s’ouvrent des établissements en vendant dans de nombreux pays.
Je plaisantais en les qualifiant de drogues mais il faut savoir que l’addiction (à différents stades 😉 ) au café est réelle et pas nouvelle.
Un poème de 1732 en parle notamment sur un ton satirique, que J.S. Bach, oui oui, un des plus grands compositeurs classiques, a mis en musique à travers la cantate profane (parce qu’elle n’est pas liée à un sujet religieux) BWV 211, plus connue comme la Cantate du café !
A l’époque, le musicien se produisait notamment au café Zimmermann de Leipzig, plutôt thématique, non ?
Nous est chanté la rébellion d’une fille contre son père qui veut qu’elle arrête de boire autant de café et menace de ne pas la marier…
Dans le livret rédigé par Picander, on trouve de petites phrases délicieuses (traduite en vf ici) telles que :
Monsieur mon père, ne soyez pas si sévère !
Si, trois fois par jour, je ne bois pas ma tasse de café, je vais, pour mon tourment, devenir comme un rôti de chèvre trop cuit !
Ah, qu’il est bon, le goût du café, plus exquis que mille baisers, plus doux que le muscat.
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Sources et traductions sur le sujet : Gilles Cantagrel, Les cantates de J.-S. Bach, ed. Fayard Paris 2010
Qui dit riches consommateurs dit en mettre plein la vue
Non seulement le gobelet en plastique de la machine à café du bureau ou de la fac n’existait pas mais personne n’en aurait voulu alors, trop « petit peuple »…
La vaisselle associée à ces mets de choix faisait souvent l’objet d’un soin particulier, de la tasse aux plus grands récipients. De multiples services de grandes qualité nous sont parvenus d’ailleurs.
Quelques exemples :
Chocolatière créée au XVIIIème siècle par Maximilien-Joseph Savary
Crédit: photo (C) RMN-Grand Palais- Stéphane Maréchalle
Chocolatière et cafetière créées en 1749 par Jean-Jacques Ehrlen
Crédit: photo (C) RMN-Grand Palais – Martine Beck-Coppola
C’était d’ailleurs parce que l’on en était fier que l’on se faisait représenter avec ces boissons raffinées lors de scènes de déjeuner telle que cette peinture de François Boucher :
On les retrouvait même sur des décors muraux comme dans la Grande singerie du château de Chantilly…
Pour en savoir plus sur le chocolat : un joli mini-documentaire d’animation réalisé par William Lamy ou un c’est pas sorcier 😉 se complétant bien tous les deux.
Pour le café, il se trouve qu’une excellente vidéo intitulée « Le Monde Entier Dans une Tasse de Café« vient d’être publiée par Balade Mentale et on y trouve toute une flopée de vidéastes de qualité 😉 avec un brin de divagations mais vous êtes habitués ici…
J’espère que cet article vous aura requinqué pendant une froide journée d’hiver mais si c’est l’été chez vous ou que vous préférez le thé ou la tisane vous avez toute ma sympathie aussi 🙂
Merci d'avance !
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